Ce qui a donné envie à Yvette Noilly de nous
offrir, impromptu, le récit jamais écrit
d’un lointain voyage.
C’est un souvenir de voyage, un voyage marquant dans
ma vie.
Eté 1968.
J’ai traversé les évènements de mai, et je m’apprêtais à réaliser un projet longuement mûri…
Ce
vieux rêve qui datait de mes 14 ans
Aller à la découverte des Indes.
Pourquoi étais-je attirée par ce pays ?
Encore aujourd’hui je ne saurais
l’expliquer…
Après les formalités d’usage – visas, vaccins, je pars avec mon frère et un ami dans ma voiture - une Ami 6 break.
1ère
étape : la Bulgarie –
Sofia - où nous connaissions un chercheur
dans le nucléaire avec qui, nous avions
lié amitié lors de son séjour à
Grenoble.
Nous fûmes accueillis chaleureusement dans sa famille ;
et il nous fit visiter la ville et ses environs…
Où nous étions encore en plein régime communiste.
Dénoncés par des voisins, nous vîmes la police débarquer car
ils n’avaient pas le droit de nous
héberger.
Nous dûmes payer des taxes.
J’ai été surprise par les queues dans les épiceries et le peu de marchandises disponibles.
Nous continuons avec la traversée de la Turquie, par le centre du pays, où il n’y a pas plus de routes, mais une
piste.
Paysages magnifiques.
Juste avant la frontière avec l’Iran nous croisons un
ingénieur américain et son équipe turque entrain de construire un chemin de
fer.
On se sentait dans un western.
Ils nous ont invités à partager leur repas.
L’Iran c’est une tout
autre ambiance.
Des entrées de villages avec des arcs de triomphe décorés de
fleurs à la gloire du Shah et de la
Shahbanou.
A l’intérieur des villages, la misère, des cloaques, car pas de tout à l’égout…
Nous ne nous sommes pas
éternisés et avons passé la frontière afghane pour nous
trouver en fin de Moyen-âge.
D’immenses étendues désertiques…
Et quelques villes dans lesquelles les artisans et les
commerçants exerçaient leur métier dans des échoppes ouvertes sur la rue
(tailleurs, bottiers,
ferblantiers, mécaniciens…)…
Mais
quelle hospitalité !
Et on tombe
sur des
gens extraordinaires !
Nous avons traversé
très très vite le Pakistan où, comme en Iran, on sentait toute
la prégnance de l’Islam
et
la curiosité malsaine des hommes…
La voiture est laissée à la frontière, nous voyagerons en
train ou à pied.
Enfin l’Inde !
Un dépaysement total.
Une vie foisonnante, des odeurs, des saveurs, mais aussi la
misère extrême : les groupes de très très jeunes enfants, sans famille,
mendiant dans la rue… Des hommes et des
femmes couchant sur les trottoirs…
Des
vaches étiques errant ça et
là.
Calcutta. Manifestation syndicale
impressionnante, de quelques kilomètres. La nuit, la
répression est féroce. Des personnes
sont arrêtées, soupçonnées de
communisme, et fusillées rapidement.
Nous traversons l’Inde en train du nord au
sud - en train dans les filets à bagages de 3ème
classe. Car les trains sont bondés, d’une foule hétéroclite –
hommes, femmes bébé au sein, berçant un
autre enfant entre leurs jambes croisées sur la banquette…
Comme dans les gares et les lieux publics des
crachats rouges contre les parois jusqu’à mi-hauteur, dûs à la noix de
Bétel que les hommes machouillent à longueur de journée et qui leur teinte les
dents en
noir.
Reste - que nous apprécions - du colonialisme anglais : des
douches dans toutes les gares.
Puis nous passons
à Ceylan (actuel Shry-LanKa), rizières en
courbes de niveau,
avec, à leur sommet, de petits temples bouddhistes peints à la chaux en rose ou
en bleu…
Le bonheur d’être sous les
tropiques…
Nature
exubérante,
des fruits à profusion…
Puis nous retraversons l’Inde du sud au nord jusqu’à
Patna ; où nous prenons un petit avion pour Katmandou. Très belle
architecture des temples bouddhistes
mais aussi des maisons ; nous visitons ce territoire avec des vélos
chinois loués - fort
peu chers…
Mais le temps passe et nous devons
rentrer en France pour continuer nos études.
Ce voyage aura marqué ma vie à
jamais.
Il fut notamment pour moi l’occasion
d’une prise de conscience politique.
L'hospitalité de ces gens de
toutes les classes, aisées ou pauvres, voir très pauvre, a aussi changé quelque
chose en moi.
Voyage-randonnée, sac au dos…
Yvette Noilly
Chalencon le 26/07/2015
Yvette.noilly@orange.fr
NB. Le texte d'Yvette est intégré à l'exposition du travail de Jean-Marie Mengin, aux Baraques...
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